Amsterdam, la ville qui pense à demain.
Joyau culturel et économique européen, Amsterdam
est connectée au monde par la mer, la terre et l’air. Victime de
son succès, la belle Batave devient exiguë, elle doit se
réinventer pour affronter l'avenir.
Le Grand Amsterdam.
Avec une population en constante augmentation, on
comptait 1000 habitants en 1300, un million d'habitants,
aujourd'hui. Mais la conurbation de Randstad, son bassin
économique, s'agrandit encore plus vite, il représente en 2019,
8,3 millions de personnes, soit la moitié du pays. La mégapole
planifiée, écologique et sociale est devenue un enjeu mondial,
57% des terriens vivent dans des métropoles. Amsterdam a mis la
qualité de vie en tête de ses objectifs. Le grand Amsterdam
s’est transformé en laboratoire urbain, un Think Tank, une boîte
à idées ouverte à tous. La capitale économique hollandaise a un
peu plus de chance que les autres, car elle a pu repousser la
mer et gagner des terres avec ses polders. Cela a permis
d’étaler une économie avide de croissance, de miser sur des
petites et moyennes entreprises. Tout en gardant une agriculture
de proximité, n’allez pas croire que tout est parfait, cette
dernière grande consommatrice de chimie a décimé une partie des
insectes du pays. La montée des eaux, le réchauffement
climatique, les mutations de la société et les déshérences
sociales sont des défis mondiaux. Amsterdam agit, de nombreuses
solutions sont à l'essai, il suffit de se promener pour les
découvrir.
L’urbanisme.
Le quartier d'Osdorp, situé à 7 km du centre, est
un bon exemple de cette qualité de vie appliquée. On ne parle
plus de mixité, tous les habitants sont des Amstellodamois. Sur
les canaux aux berges boisées du Hoekenesgracht, s'ébattent les
oies et les foulques, pêchent les hérons et autres cormorans.
Une bio diversité qui donne de la joie aux ornithologues du
dimanche. Un temple protestant est incrusté dans un immeuble,
des appartements en bois s’échappent des façades. Le centre des
loisirs est un travail d'architecture, de verre et de béton
recyclés. L’envie d’habiter ici se révèle dès les premiers pas.
L’eau qui s’écoule de canal en canal apporte cette fraîcheur
lors des chaudes journées d’été. Mais pas seulement, certains
utilisent une barque pour rejoindre leur job ou se balader.
Sujata, une étudiante en architecture, me voit prendre des
photos, elle m'interpelle.
- La construction du quartier a commencé dans des
années 60, il fait partie du projet " les cités-jardins de
l'Ouest". Ici, il y a de grands espaces verts entre les
immeubles, l'originalité des ensembles architecturaux joue un
rôle primordial. Une esquisse de place du village s'est
développée autour des arrêts de bus. Plusieurs magasins, des
lieux de rencontre, des terrasses, il a très peu d’enseignes
franchisées. Une zone à 30 km/h, des caméras de surveillance,
une bonne compréhension entre les habitants ont permis
d'atténuer les violences. Mon père tient un petit restaurant
halal sur Osdorper Ban, un endroit comme ceci, il y en a des
centaines dans les banlieues.
Économie circulaire.
Cette ville classée dans le top 5 du monde
capitaliste, éden fiscal pour les multinationales (les lois vont
changer en 2020). Voit la sphère associative organiser une
nouvelle économie, Sujata me donne un exemple.
- Amsterdam est à la pointe du recyclage des
matériaux de construction. Sur internet, on trouve, des
escaliers, des toits, des plaques de béton ou des poutres, de
deuxième main et expertisées par des ingénieurs. Des architectes
se servent d'éléments d'immeubles en déconstruction, pour
dessiner de nouvelles maisons. Des informaticiens organisent
cette récupération, une économie de plusieurs milliers de tonnes
de CO2. Mais sans l'aide des autorités, cette économie ne serait
pas viable.
L’âge d’or flamand.
La question se pose, comment édifier le Grand
Amsterdam sans laisser dans la marge, les personnes qui ne
peuvent ou ne veulent pas, participer à cette croissance. Une
réflexion originale c’est engagée sur l’âge d’or flamand
(1584-1702). C'est la belle époque, l’art flamand est hissé au
sommet de la culture européenne, financé entre autres par
l’esclavage et le pillage de ses colonies. Les descendants des
milliers d'esclaves importés sont aujourd'hui Néerlandais et
Néerlandaises, ils voient ces années fastes d’un autre œil. Pour
ouvrir le débat, le musée de la ville d’Amsterdam a enlevé le
terme âge d’or de ses salles et a présenté les portraits de
locaux célèbres aux origines coloniales. Si cette initiative
n'est pas appréciée par tous, elle permet de mettre en lumière
un passé pas aussi doré que ça.
Enjoy & Respect
Comme de nombreuses villes, Amsterdam souffre de
son tourisme, depuis 60 ans sa tolérance dope son nombre de
visiteurs, maintenant c’est la huitième plaie du capitalisme, la
poule aux œufs d’or se transforme en cauchemar. Les majors des
vacances globalisées se sont offert Amsterdam, engrangent les
bénéfices et distribuent les miettes à l’économie locale. On
trouve des bulbes de tulipe "made in China" chez les marchands
de souvenirs. Les prix des logements au centre sont gonflés par
Airbnb et ses sbires. Les classes populaires émigrent vers des
banlieues toujours plus éloignées, pourtant ce sont elles qui
font tourner la ville. Une jeunesse européenne qui profite de
vols au rabais, sans concurrence pour le train. Le temps d’un
week-end, ils trouvent dans les bars l’alcool qui coule à flots,
les coffeeshops vendent des denrées illicites. Tous les matins,
Dam se réveille avec la gueule de bois, les derniers hommes
d’affaires en séminaire, errent dans les rues à la recherche de
leurs hôtels. Dans le port d’Amsterdam, il n’y a pas que des
marins qui chantent. 18 millions de touristes s'invitent par
année, 30 sont annoncés pour la fin de la décennie, la
saturation est atteinte. La ville a lancé sa campagne " Enjoy &
Respect". La municipalité a durci ses lois contre les
incivilités, elle a muselé Airbnb, elle a divisé par deux le
nombre de coffeeshops et les vitrines des dames du quartier
rouge. Amsterdam se met à rêver d’une journée sans touristes,
comme les dimanches sans voitures.
Le smart business.
Les visiteurs sont là, il faut leur donner de la
culture, tous les musées sont complets, les billets s'achètent à
l’avance sur internet. Il y a bien de petites galeries, des
musées privés, mais le tourisme de masse veut uniquement le
meilleur et vite. La ville s'est doté d’un nouvel espace
culturel au centre-ville, l'Eye (l’Œil), un bâtiment ultra
moderne, posé sur les berges de l'IJ, derrière la gare Centrale.
Le musée du cinéma, la porte d'entrée vers le monde de l'image
en mouvement. C’est un smart musée, si vous n’avez pas une carte
bancaire ou un smartphone, vous pourrez l’apprécier que de
l’extérieur. L'argent sonnant et trébuchant n'est plus le bien
venu, me fait remarquer le serveur, qui rajoute.
- Entre nous, le magasin du musée regorge
d’objets, de livres, et de gadgets racontant vos acteurs et
films préférés. Lorsque vous payez avec votre carte, vous rendez
un service aux algorithmes qui se feront un plaisir de tirer
votre portrait cinématographique et vendre vos sensibilités aux
plus offrants, c’est le smart business.
Nation cycliste.
Le deux roues classique voit son aura à la
baisse, le parking devient problématique et les vols endémiques.
Les trottinettes et autres gyropodes électriques prennent le
relais, plus facile à ranger dans le corridor ou au bureau. Sur
les ponts étroits du centre historique, les géraniums essayent
de parler avec les passants, hélas, poussés par le temps qui les
dépasse, les passants courent au travail. Seules les
camionnettes de livraisons prennent le temps de se parquer sur
ces charmants petits ponts, et occultent le paysage. Les
bateaux-bus et les taxis s’électrifient, les transports publics
efficaces sont en constante évolution, ce qui a permis une
amélioration de la qualité de l’air. Il faut noter qu'à
l'intérieur des trams, le contrôleur bénéficie d'un bureau
spacieux et bien équipé. Ce dernier polyglotte informe les
passagers sur l’état du trafic, vend des tickets, et dirige les
touristes. Cependant, dans la périphérie les autoroutes
slaloment entre les gratte-ciels et virent au rouge pendant les
heures de pointe. Dans le port d’Amsterdam, ce n’est plus les
cornes de brume qui rythment la vie, mais les klaxons et les
sirènes.
La réalité.
Amsterdam est confrontée à la même problématique
que les autres grandes villes, célèbre ou pas. Comment redéfinir
l’espace spatial de la ville, comment créer une qualité de vie
en maîtrisant ses émissions de CO2 ? Dit comme ceci, ça ne prend
que trois mots sur une ligne. Mais dans la réalité la question
est divisée en deux : croissance ou décroissance. La première on
la connaît, plus nous sommes, plus on consomme, les usines
tournent, les actionnaires investissent, un monde parfait se
dessine. Pour beaucoup d’Amstellodamois, ce concept arrive à ses
limites et la décroissance se profile comme alternative
cohérente. Travailler moins, consommez mieux, partager les
richesses, décentraliser la culture, égalité hommes femmes, les
relations intergénérationnelles, profiter de la nature, tous ces
mots servent à l’élaboration d’une qualité de vie contemporaine,
le futur de nos cités. Rassurez-vous, les barons de la smart
finance, ont déjà calculé le prix d’une balade dans les bois, le
bénéfice d’un vol d’oiseaux sauvages ou le chant d'un ruisseau.
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